© Julien Benard / Hans Lucas
Les actions de plaidoyer combinent généralement plusieurs modalités d’action (communiqués et conférences de presse, manifestations publiques, pétitions, lettres ouvertes, tribunes dans un média…). Elles sont réalisées aussi souvent que possible en partenariat avec d’autres associations locales et nationales. Quand Tous Migrants n'en est pas l’initiateur (Grande maraude solidaire, Randos et veillées bavardes, Faites de la Fraternité …), nous agissons dans le cadre d’un mouvement plus large (États généraux des migrations, Comité de soutien des 3+4+2+… de Briançon, Coordination des actions aux frontières intérieures…).
Retrouvez sur cette page l'intégralité de nos lettres ouvertes classées par ordre chronologique, de la plus récente à la plus ancienne.
Lettre inter associative au Préfet du 22/09
Le contenu n'est pas accessible car ce n'était pas une lettre dite ouverte mais nous pouvons vous en expliquer l'intention...
Le contenu n'est pas accessible car ce n'était pas une lettre dite ouverte mais nous pouvons vous en expliquer l'intention...
Le 22 septembre, Amnesty International France, Anafé, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Secours Catholique-Caritas France et Tous Migrants ont adressé une lettre au nouveau préfet des Hautes-Alpes.
Ce courrier s’inscrit dans la poursuite des interpellations effectuées auprès des représentants de l’Etat précédents concernant de graves manquements que nous avons observés quant au respect des droits prévus par les réglementations nationales et internationales.
Dans une annexe jointe à ce dernier courrier, nous avons répondu au courrier du 20 mai 2022 de l’ancienne préfète, qui elle-même répondait à un courrier inter-associatif du 8 avril 2022, pour rappeler, point par point et textes à l’appui, l’illégalité des pratiques que nous observons et dénonçons à la frontière depuis des années.
Nous rappelons également plusieurs décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne et du Conseil d’Etat qui infirment certains points de droit sur lesquels s’appuient l’argumentation de la préfecture. Plusieurs décisions des tribunaux administratifs de Marseille et de Nice ont ainsi annulé des décisions préfectorales portant sur des refus d’entrée.
Alors que nous constatons que les personnes exprimant la volonté de demander l’asile n’obtiennent quasiment jamais la possibilité de le faire, nous rappelons à la préfète que le Conseil d’État affirme très clairement que les services de la police aux frontières doivent enregistrer les demandes d’asile qui sont présentées à la frontière franco-italienne.
Cette possibilité est en effet prévue par les articles L. 350-1 à L. 352-9 du CESEDA et a été rappelée par le Conseil d’État à plusieurs reprises (notamment décisions du 5 juillet 2017, n°411575 ; du 8 juillet 2020, n° 440756).
Les tribunaux administratifs de Nice et de Marseille ont également reconnu à plusieurs reprises l’application du droit d’asile, concernant des personnes non-admises depuis le poste de la police aux frontières de Menton et celui de Montgenèvre (par exemple les ordonnances du 7 février 2020, n° 2000571, et du 10 mars 2020, n°2001112, du TA de Nice).
La commission d’enquête sur les migrations, créée par l’Assemblée Nationale en mai 2021, a également pointé les violations des droits des personnes migrantes dans son rapport publié en novembre 2021, en particulier sur la question de la demande d’asile :
« À Menton et à Briançon, où la commission d’enquête s’est rendue, le rétablissement de la frontière franco-italienne a des conséquences majeures :
– pour les personnes migrantes en premier lieu : prises de risques importantes pour traverser la frontière entraînant de nombreux accidents allant dans certains cas dramatiques jusqu’au décès, privations de liberté, parfois durant de longues heures, dans les constructions modulaires attenantes aux services de la police aux frontières, refus d’entrée opposés sans examen individuel de la situation pourtant prévu par le droit et sans possibilité de déposer une demande d’entrée sur le territoire au titre de l’asile ».
Dès lors, toute personne se présentant à la frontière et souhaitant demander l’asile doit voir sa demande enregistrée et un entretien avec l’OFPRA organisé en vue de remettre un avis au ministère de l’intérieur afin qu’il rende une décision d’admission ou de refus d’entrée, sans possibilité de renvoi durant toute la durée de la procédure.
Enfin, la préfecture évoque régulièrement à la presse la possible application de la procédure dite « Dublin » dans le cas où des personnes qui souhaiteraient entrer sur le territoire national et bénéficier du droit d’y circuler ou d’y séjourner ne rempliraient pas les conditions énumérées à l’article du code frontières Schengen afin de les contraindre à regagner le pays par lequel elles sont entrées dans l’espace Schengen. Or, si une personne demande l’asile à la frontière et qu’un autre État membre est déterminé comme responsable de cette demande, la décision de transfert prise dans le cadre de la procédure dite « Dublin » doit notamment être écrite, motivée et mentionner les voies et délais de recours, conformément aux articles L. 352-4 et L. 572-1 du CESEDA.
Dans le cas où la demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile serait rejetée ou que la responsabilité d’un autre État membre serait déterminée, la personne concernée ne peut être renvoyée avant l’expiration d’un délai de 48h, lui permettant de présenter un recours contre l’une ou l’autre des décisions susmentionnées.
En conséquence, les personnes qui demandent l’asile au poste de la police aux frontières de Montgenèvre ne peuvent faire l’objet d’un renvoi immédiat vers l’Italie.
Pourtant, ainsi que nous le dénonçons publiquement depuis plusieurs années, nous observons régulièrement ces procédures de renvoi vers l’Italie de personnes s’étant vues refuser le droit de faire enregistrer leur demande d’asile.
Concernant les personnes se déclarant mineures et malgré tout renvoyées en Italie, nos observations montrent que la rapidité des renvois vers l’Italie ne permet pas d’assurer des garanties suffisantes et certaines quant à la prise en charge effective de ces mineurs en Italie. De plus, conformément à l’article L. 343-2 du CESEDA, lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. En pratique, aucun mineur rencontré par nos associations suite à un renvoi vers l’Italie, n’a été en mesure de rencontrer un administrateur ad hoc.
Nous sollicitons donc à nouveau la préfecture afin de que les procédures d’interpellations à la frontière franco-italienne et toutes les procédures qui en découlent respectent le cadre juridique national et international, tel que rappelé par les juridictions et l’Assemblée Nationale. En particulier, les mineurs doivent voir leur minorité prise en compte et les droits afférents garantis et les personnes qui informent les forces de police de leur souhait de demander l’asile puissent voir enregistrer et traiter leur demande conformément au droit.
Ce courrier s’inscrit dans la poursuite des interpellations effectuées auprès des représentants de l’Etat précédents concernant de graves manquements que nous avons observés quant au respect des droits prévus par les réglementations nationales et internationales.
Dans une annexe jointe à ce dernier courrier, nous avons répondu au courrier du 20 mai 2022 de l’ancienne préfète, qui elle-même répondait à un courrier inter-associatif du 8 avril 2022, pour rappeler, point par point et textes à l’appui, l’illégalité des pratiques que nous observons et dénonçons à la frontière depuis des années.
Nous rappelons également plusieurs décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne et du Conseil d’Etat qui infirment certains points de droit sur lesquels s’appuient l’argumentation de la préfecture. Plusieurs décisions des tribunaux administratifs de Marseille et de Nice ont ainsi annulé des décisions préfectorales portant sur des refus d’entrée.
Alors que nous constatons que les personnes exprimant la volonté de demander l’asile n’obtiennent quasiment jamais la possibilité de le faire, nous rappelons à la préfète que le Conseil d’État affirme très clairement que les services de la police aux frontières doivent enregistrer les demandes d’asile qui sont présentées à la frontière franco-italienne.
Cette possibilité est en effet prévue par les articles L. 350-1 à L. 352-9 du CESEDA et a été rappelée par le Conseil d’État à plusieurs reprises (notamment décisions du 5 juillet 2017, n°411575 ; du 8 juillet 2020, n° 440756).
Les tribunaux administratifs de Nice et de Marseille ont également reconnu à plusieurs reprises l’application du droit d’asile, concernant des personnes non-admises depuis le poste de la police aux frontières de Menton et celui de Montgenèvre (par exemple les ordonnances du 7 février 2020, n° 2000571, et du 10 mars 2020, n°2001112, du TA de Nice).
La commission d’enquête sur les migrations, créée par l’Assemblée Nationale en mai 2021, a également pointé les violations des droits des personnes migrantes dans son rapport publié en novembre 2021, en particulier sur la question de la demande d’asile :
« À Menton et à Briançon, où la commission d’enquête s’est rendue, le rétablissement de la frontière franco-italienne a des conséquences majeures :
– pour les personnes migrantes en premier lieu : prises de risques importantes pour traverser la frontière entraînant de nombreux accidents allant dans certains cas dramatiques jusqu’au décès, privations de liberté, parfois durant de longues heures, dans les constructions modulaires attenantes aux services de la police aux frontières, refus d’entrée opposés sans examen individuel de la situation pourtant prévu par le droit et sans possibilité de déposer une demande d’entrée sur le territoire au titre de l’asile ».
Dès lors, toute personne se présentant à la frontière et souhaitant demander l’asile doit voir sa demande enregistrée et un entretien avec l’OFPRA organisé en vue de remettre un avis au ministère de l’intérieur afin qu’il rende une décision d’admission ou de refus d’entrée, sans possibilité de renvoi durant toute la durée de la procédure.
Enfin, la préfecture évoque régulièrement à la presse la possible application de la procédure dite « Dublin » dans le cas où des personnes qui souhaiteraient entrer sur le territoire national et bénéficier du droit d’y circuler ou d’y séjourner ne rempliraient pas les conditions énumérées à l’article du code frontières Schengen afin de les contraindre à regagner le pays par lequel elles sont entrées dans l’espace Schengen. Or, si une personne demande l’asile à la frontière et qu’un autre État membre est déterminé comme responsable de cette demande, la décision de transfert prise dans le cadre de la procédure dite « Dublin » doit notamment être écrite, motivée et mentionner les voies et délais de recours, conformément aux articles L. 352-4 et L. 572-1 du CESEDA.
Dans le cas où la demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile serait rejetée ou que la responsabilité d’un autre État membre serait déterminée, la personne concernée ne peut être renvoyée avant l’expiration d’un délai de 48h, lui permettant de présenter un recours contre l’une ou l’autre des décisions susmentionnées.
En conséquence, les personnes qui demandent l’asile au poste de la police aux frontières de Montgenèvre ne peuvent faire l’objet d’un renvoi immédiat vers l’Italie.
Pourtant, ainsi que nous le dénonçons publiquement depuis plusieurs années, nous observons régulièrement ces procédures de renvoi vers l’Italie de personnes s’étant vues refuser le droit de faire enregistrer leur demande d’asile.
Concernant les personnes se déclarant mineures et malgré tout renvoyées en Italie, nos observations montrent que la rapidité des renvois vers l’Italie ne permet pas d’assurer des garanties suffisantes et certaines quant à la prise en charge effective de ces mineurs en Italie. De plus, conformément à l’article L. 343-2 du CESEDA, lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. En pratique, aucun mineur rencontré par nos associations suite à un renvoi vers l’Italie, n’a été en mesure de rencontrer un administrateur ad hoc.
Nous sollicitons donc à nouveau la préfecture afin de que les procédures d’interpellations à la frontière franco-italienne et toutes les procédures qui en découlent respectent le cadre juridique national et international, tel que rappelé par les juridictions et l’Assemblée Nationale. En particulier, les mineurs doivent voir leur minorité prise en compte et les droits afférents garantis et les personnes qui informent les forces de police de leur souhait de demander l’asile puissent voir enregistrer et traiter leur demande conformément au droit.
"Lettre ouverte | A la première Ministre au sujet du nouveau projet de loi "asile et immigration"
Le 4 novembre 2022
Madame la Première ministre,
Le président de la République a récemment confirmé la perspective d’un nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration pour début 2023. Vous avez demandé au ministère de l’Intérieur d’organiser une concertation préalable avec différents représentants de partis politiques, partenaires sociaux, associations et acteurs de la société civile.
C’est dans ce contexte que nos associations s’adressent à vous pour porter à votre connaissance plusieurs points qui nous apparaissent essentiels.
Nous souhaitons, avant toute chose, vous signifier notre inquiétude face à un énième projet de loi sur ce sujet. En trente ans, plus de vingt textes se sont succédé (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées. Quel est le sens de la poursuite d’une telle inflation législative ?
Nous voulons ensuite vous interpeller quant aux objectifs poursuivis par cette concertation et ce futur projet de loi, et vous signifier que nous ne saurions accepter une démarche fondée sur la stigmatisation et les raccourcis assimilant immigration et délinquance. Il nous semble à l’inverse que la question qui se pose aujourd’hui, dans un monde où, plus que jamais, les migrations constituent notre réalité commune,est celle de dessiner des politiques publiques fondées sur l’accueil et la solidarité, garantissant le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes exilées.
C’est pourquoi cette concertation ne saurait être pilotée par le seul ministère de l’Intérieur mais devrait être conduite dans un cadre interministériel. Nous estimons problématique que la politique migratoire ait été réduite, au fil des années, à une dimension strictement sécuritaire. C’est aussi le sens des conclusions de la commission d’enquête parlementaire pilotée par Sébastien Nadot et Sonia Krimi, dont le rapport a été rendu public le 10 novembre 2021. La question de l’entrée et de l’accueil des personnes étrangères en France ne peut relever du seul ministère de l’Intérieur et devrait impliquer biend’autres dimensions comme l’habitat, la santé, la scolarisation, l’éducation, la formation, le travail, la protection des plus vulnérables.
Enfin, cette concertation doit nécessairement impliquer des associations et collectifs composés en majorité de personnes exilées. Les positionnements des associations de soutien aux personnes exilées -qu’elles soient opératrices en matière d’accueil ou non - sont connus car elles sont auditionnées à l'Assemblée nationale ou au Sénat et parfois reçues à haut niveau par des membres du pouvoir exécutif.Ces associations ont aussi accès à des plateaux de télévision et à la radio, et leurs tribunes sont publiéesdans les médias. En revanche, les personnes directement concernées par les politiques migratoires sont souvent absentes de ces espaces de débat et ont du mal à se faire entendre. Elles doivent pouvoir prendre pleinement part à la construction des politiques publiques qui les concernent en premier lieu.
Telles sont les considérations, essentielles à nos yeux, que nous vous demandons de prendre en compte.
Veuillez recevoir, Madame la Première ministre, l’expression de notre haute considération.
Le président de la République a récemment confirmé la perspective d’un nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration pour début 2023. Vous avez demandé au ministère de l’Intérieur d’organiser une concertation préalable avec différents représentants de partis politiques, partenaires sociaux, associations et acteurs de la société civile.
C’est dans ce contexte que nos associations s’adressent à vous pour porter à votre connaissance plusieurs points qui nous apparaissent essentiels.
Nous souhaitons, avant toute chose, vous signifier notre inquiétude face à un énième projet de loi sur ce sujet. En trente ans, plus de vingt textes se sont succédé (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées. Quel est le sens de la poursuite d’une telle inflation législative ?
Nous voulons ensuite vous interpeller quant aux objectifs poursuivis par cette concertation et ce futur projet de loi, et vous signifier que nous ne saurions accepter une démarche fondée sur la stigmatisation et les raccourcis assimilant immigration et délinquance. Il nous semble à l’inverse que la question qui se pose aujourd’hui, dans un monde où, plus que jamais, les migrations constituent notre réalité commune,est celle de dessiner des politiques publiques fondées sur l’accueil et la solidarité, garantissant le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes exilées.
C’est pourquoi cette concertation ne saurait être pilotée par le seul ministère de l’Intérieur mais devrait être conduite dans un cadre interministériel. Nous estimons problématique que la politique migratoire ait été réduite, au fil des années, à une dimension strictement sécuritaire. C’est aussi le sens des conclusions de la commission d’enquête parlementaire pilotée par Sébastien Nadot et Sonia Krimi, dont le rapport a été rendu public le 10 novembre 2021. La question de l’entrée et de l’accueil des personnes étrangères en France ne peut relever du seul ministère de l’Intérieur et devrait impliquer biend’autres dimensions comme l’habitat, la santé, la scolarisation, l’éducation, la formation, le travail, la protection des plus vulnérables.
Enfin, cette concertation doit nécessairement impliquer des associations et collectifs composés en majorité de personnes exilées. Les positionnements des associations de soutien aux personnes exilées -qu’elles soient opératrices en matière d’accueil ou non - sont connus car elles sont auditionnées à l'Assemblée nationale ou au Sénat et parfois reçues à haut niveau par des membres du pouvoir exécutif.Ces associations ont aussi accès à des plateaux de télévision et à la radio, et leurs tribunes sont publiéesdans les médias. En revanche, les personnes directement concernées par les politiques migratoires sont souvent absentes de ces espaces de débat et ont du mal à se faire entendre. Elles doivent pouvoir prendre pleinement part à la construction des politiques publiques qui les concernent en premier lieu.
Telles sont les considérations, essentielles à nos yeux, que nous vous demandons de prendre en compte.
Veuillez recevoir, Madame la Première ministre, l’expression de notre haute considération.
Signataires :
Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France, Alexandre Moreau, président d’Anafé Damien Carême, co-président d’ANVITA Aude Le Moullec Rieu, présidente d’ARDHIS Hélène Ramajo, présidente de Causons, Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD–Terre solidaire Henry Masson, président de La Cimade, Valérie Fayard, directrice générale par intérim d’Emmaüs France, Christophe Robert, directeur général et porte-parole de la Fondation Abbé Pierre Vanina Rochiccioli, co-présidente du Groupe d'Information et de Soutien des Immigré·e·s, Philippe Dupourqué, président de Groupe Accueil et Solidarité, Guillaume Rossignol, directeur de JRS France Noémie Marchyllie, co-directrice de Kabubu Patrick Baudouin, président de la Ligue des Droits de l’Homme, Bruno Tesan, co-fondateur de LTF, Bchira Ben Nia, porte-parole de la Marche des Solidarités et de Coordination Sans Papiers 75, Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde, Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, Oriane Sebillotte, co-présidente de Paris d’Exil, Agnès Antoine, co-présidente de Tous migrants, Yann Manzi, délégué général d’Utopia 56, Rudi Osman, directeur de l’Union des étudiant.es exilé.es, Camila Rios Armas, directrice d’UniR, Clémence Tondut, présidente de Watizat, Flora Vidal Marron, directrice de Weavers
Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France, Alexandre Moreau, président d’Anafé Damien Carême, co-président d’ANVITA Aude Le Moullec Rieu, présidente d’ARDHIS Hélène Ramajo, présidente de Causons, Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD–Terre solidaire Henry Masson, président de La Cimade, Valérie Fayard, directrice générale par intérim d’Emmaüs France, Christophe Robert, directeur général et porte-parole de la Fondation Abbé Pierre Vanina Rochiccioli, co-présidente du Groupe d'Information et de Soutien des Immigré·e·s, Philippe Dupourqué, président de Groupe Accueil et Solidarité, Guillaume Rossignol, directeur de JRS France Noémie Marchyllie, co-directrice de Kabubu Patrick Baudouin, président de la Ligue des Droits de l’Homme, Bruno Tesan, co-fondateur de LTF, Bchira Ben Nia, porte-parole de la Marche des Solidarités et de Coordination Sans Papiers 75, Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde, Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, Oriane Sebillotte, co-présidente de Paris d’Exil, Agnès Antoine, co-présidente de Tous migrants, Yann Manzi, délégué général d’Utopia 56, Rudi Osman, directeur de l’Union des étudiant.es exilé.es, Camila Rios Armas, directrice d’UniR, Clémence Tondut, présidente de Watizat, Flora Vidal Marron, directrice de Weavers
Lettre ouverte | Alerte de a plateforme des associations impliquées dans l'accueil des personnes exilées à Madame la Préfète des Hautes-Alpes
Le 28 juin 2021
Madame la Préfète des Hautes-Alpes,
Depuis cet hiver, plusieurs dizaines de personnes exilées arrivent quotidiennement à Briançon. La population a changé, elle est composée de plus en plus souvent de familles et de personnes particulièrement vulnérables. Le nombre de femmes et d’enfants a triplé depuis le début de l’année.
Les capacités du Refuge Solidaire ne permettent plus d’assurer un accueil digne de ce nom, ni même de préserver la sécurité des personnes.
Nous vous demandons à nouveau la mobilisation du plan d’hébergement d’urgence à Briançon pour accueillir dignement les personnes exilées qui arrivent sur notre territoire par la montagne frontalière.
Il s’agit pour ces personnes d’un accueil temporaire, d’une à trois journées maximum, puisqu’elles repartent le plus rapidement possible vers leur destination, le plus souvent une métropole où elles pourront déposer leur demande d’asile.
Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part reçoivent chez eux les personnes épuisées et vulnérables et gèrent un refuge solidaire qui a déjà accueilli plus de 14 000 personnes.
Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part se mobilisent pour porter assistance aux personnes qui se trouvent mises en danger dans la montagne.
Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part pallient les manquements de l’Etat et des collectivités locales au regard de leurs responsabilités et leurs obligations face à la réalité migratoire.
Depuis 2016, Briançonnais et personnes solidaires venus de toute part font que notre territoire reste digne et humaniste.
En 2020, la nouvelle municipalité de Briançon a choisi de se désengager du Refuge Solidaire. Au même moment, lors d’une réunion tenue à la préfecture des Hautes-Alpes le 7 juillet, votre secrétaire générale nous indiquait que le besoin d’accueil d’urgence de 30 à 35 places à Briançon était reconnu par la Préfecture, mais qu’il n’y avait pas de possibilité d’ouvrir plus de places d’hébergement d’urgence selon l’administration centrale.
Aujourd’hui, selon les jours, ce besoin est deux à trois fois plus important qu’il n’était l’an dernier.
Face à l’absence totale d’engagement de l’Etat et des pouvoirs publics, les acteurs solidaires ont dû se mobiliser une nouvelle fois pour acquérir un nouveau lieu avec des fonds privés uniquement. Mais ce lieu n’ouvrira ses portes, au mieux, qu’à la mi-août, compte tenu des travaux nécessaires de mise en conformité aux normes de sécurité.
En attendant cette ouverture, les capacités du refuge solidaire actuel ne permettent plus d’accueillir dans des conditions acceptables les personnes exilées de passage. En tout état de cause, ce nouveau lieu ne pourra pas accueillir au-delà de ses capacités et des limites de l’action bénévole.
Dans ce contexte particulièrement difficile, il n’est pas envisageable que l’Etat continue de se reposer sur les associations et la population briançonnaise alors que la population accueillie est plus nombreuse et plus vulnérable (familles avec nourrissons, personnes âgées ou handicapées).
Nous appelons l’Etat, et plus largement les pouvoirs publics, à revoir leurs responsabilités en rapport avec les situations actuelles de la migration dans le Briançonnais, à respecter leurs obligations à l’égard des exilés, et notamment le droit à l’hébergement d’urgence inconditionnel, et à mettre en place sans plus tarder un dispositif d’accueil d’urgence à la hauteur de la réalité migratoire présente et future.
Nous demandons que cette crise humanitaire soit gérée en concertation avec tous les acteurs publics et associatifs concernés, y compris du côté italien où le préfet conscient de la gravité de la situation vient d’apporter un soutien fort aux communes de Bardonecchia et d’Oulx et aux associations impliquées.
Nous demandons à notre gouvernement de mettre en oeuvre un plan d’hébergement d’urgence à Briançon, avec un nombre de places pérennes, qui soit évolutif pour s’adapter aux besoins réels. Cet hébergement doit permettre l’accueil familial sans séparation des membres de la famille et avec la possibilité de préparation des repas.
Notre alerte est solennelle et nous attendons vivement votre réponse devant cette situation d’urgence.
Afin d’éviter toute confusion ou instrumentalisation en cette période électorale, nous rendrons cette lettre publique seulement à compter de lundi 28 juin.
Avec nos salutations respectueuses,
Premières associations locales signataires : CCFD Terre Solidaire Briançon, Chemins Pluriels, Icare , JRS France/Welcome – Antenne des Hautes Alpes, Low-tech & Réfugiés, MJC-Centre social du Briançonnais, Paroisse de Briançon – Hautes Vallées, Refuges Solidaires, Réseau Hospitalité, Secours Populaire Briançon, Tous Migrants, Unjourlapaix, Un thé dans la neige,
Premières associations nationales signataires : La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Secours Catholique Caritas France.
Premières associations nationales signataires : La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Secours Catholique Caritas France.
Lettre ouverte | Au Président de la République
Le 214 décembre 2020 - Etats Généraux des Migrations (EGM)
Monsieur le Président de la République,
Nous vous écrivons à l’occasion de la Journée internationale des Migrants, le 18 décembre, instituée par les Nations unies.
La troisième session nationale des États Généraux des Migrations vient de se terminer. Au cœur de nos débats et de nos solutions de terrain : la liberté, l’égalité et la solidarité ; au centre de nos préoccupations : le respect des droits fondamentaux et de la dignité pour toutes et tous. Notre proposition : l’accueil, la régularisation pérenne et inconditionnelle des personnes étrangères et l’égalité des droits.
Au même moment, les forces de l’ordre, sous le commandement du Préfet de police de Paris, réprimaient violemment à Saint-Denis et à Paris des êtres humains démunis, au nom de l’État français. Et depuis le début de votre mandat, vous avez choisi, par délégation au ministre de l’Intérieur, de démanteler des camps, de laisser à la rue des hommes, des femmes et des enfants, de les priver de nourriture, de logement, d’éducation et de leur États Généraux des Migrations 14, Passage Dubail 75010 Paris www.eg-migrations.org interdire de travailler. Votre politique marginalise des êtres humains en les obligeant à vivre dans l’illégalité et la précarité. Votre seule proposition : la répression extrêmement violente, la déshumanisation et l’humiliation des personnes exilées, le déni.
Nous vous rappelons qu’il y a trois ans, 470 organisations vous avaient interpellé pour que vous convoquiez des États Généraux des Migrations. Vous avez expliqué que cela n’était pas nécessaire. Vous avez ignoré cette sollicitation de la société civile, comme vous avez ignoré plus récemment la marche de sans papiers d'octobre 2020.
Que vous le vouliez ou non, les États Généraux des Migrations existent ! Leurs membres agissent au jour le jour en solidarité avec les personnes étrangères. Les EGM représentent plusieurs centaines de collectifs, d’associations, des structures et des ONG partout en France. Ils représentent la France qui accueille. Ils représentent la France qui lutte contre la répression et l’injustice.
Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreux et nous sommes en colère. En conséquence, les EGM s’associent à la saisine faite par un de ses membres actifs, de la Défenseure des Droits et du Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme, des migrants, à la suite des événements qui se sont déroulés à Paris, le 23 novembre dernier. Également, les EGM soutiendront, partout en France, l’acte 4 de la Marche des Solidarités qui aura lieu le 18 décembre.
Nous vous demandons instamment d’observer ce que celles et ceux qui choisissent la justice et la dignité sont capables de faire. Nous vous demandons de nous écouter, de défendre et de construire avec nous la paix sociale.
L’humanité de demain se construit avec l’accueil d’aujourd’hui.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre colère citoyenne et de notre très haute considération,
Les Etats généraux des Migrations.
Retrouvez la lettre en cliquant ici.
Lettre ouverte | à Emmanuel Macron
Le 30 avril 2020 - Etats Généraux des Migrations (EGM)
Monsieur le Président de la République,
Nous – États Généraux des Migrations, associations, syndicats et collectifs – vous demandons de procéder à la régularisation immédiate, pérenne et inconditionnelle des personnes sans-papiers.
La pandémie à laquelle nous faisons face aujourd’hui révèle au grand jour les inégalités sociales, économiques et sanitaires qui minent notre société. Dans cette période, la situation des personnes sans papiers est des plus inquiétantes. L’absence de titre de séjour les privant de l’accès aux droits sociaux fondamentaux tels que le droit au travail, au logement, aux prestations sociales, l’état d’urgence sanitaire démultiplie leur précarité. Durant le confinement, l’absence de droit à l’assurance chômage, alors que la plupart travaillent, le risque d’être contrôlé·es, placé·es en rétention – car les centres de rétention administrative ne sont pas tous fermés et sont des lieux autant propices à la propagation du Covid-19 que les prisons – et, l’absence de logement à leur nom font des personnes sans papiers des victimes potentielles de l’épidémie davantage que le reste de la population.
Si leur sort a pu réapparaître dans le débat public aujourd’hui, c’est uniquement en termes de santé publique, et les quelques solutions apportées ici ou là pour permettre à certain·es d’obtenir un lieu d’hébergement plus conforme aux exigences sanitaires ne sont qu’un pis-aller, au demeurant très provisoire. La situation de ces personnes auxquelles l’État refuse d’accorder le droit au séjour est le résultat de politiques migratoires toujours plus restrictives et déshumanisantes, d’un choix du non-accueil, du primat de la logique utilitariste sur celle de l’égalité et de la dignité humaine.
Cette situation va perdurer une fois la crise sanitaire passée. Les personnes sans papiers continueront d’être maintenues dans une situation de non droit qui les rend vulnérables à l’exploitation et aux abus de toutes sortes, en sus de la menace du contrôle, du risque de placement en centre de rétention et d’expulsion. Leur traitement comme main d’œuvre flexible et à bas prix contribue depuis de nombreuses années à la dégradation des droits du travail de toutes et tous.
Parce que l’accès à la dignité et aux droits fondamentaux ne peut ni être affaire de circonstances, ni servir des intérêts économiques, mais doit constituer au contraire une exigence non négociable d’égalité, nous vous demandons de régulariser immédiatement, de façon pérenne et inconditionnelle toutes les personnes sans papiers, étape nécessaire du changement radical des politiques migratoires que nous revendiquons toutes et tous depuis de nombreuses années.
Retrouvez la liste des signataires en cliquant ici.
Lettre ouverte | à la Préfète et 18 organisations humanitaires
Le 13 février 2020, à Briançon, Embrun et Gap
Le 13 février, 18 organisations humanitaires ont adressé une lettre à la Préfète des Hautes-Alpes pour lui demander de lever les entraves administratives à l'embauche de jeunes migrants présents légalement sur le territoire, alors même que des employeurs locaux cherchent à les recruter.
Madame la Préfète des Hautes-Alpes,
Depuis plusieurs mois, vous recevez les demandes de titres de séjour d'exilés présents légalement sur le territoire depuis déjà trois ou quatre ans. Pendant ces 3 ou 4 années, ces exilés qui ont parfois quitté depuis l'adolescence leur pays, ont subi l'inactivité forcée et l'attente, véritables tortures psychologiques, qui, sans le soutien moral des bénévoles, auraient pu les faire sombrer dans la dépression ou autres maladies. Trois ou quatre ans, c'est très long surtout lorsqu'on n’a aucune prise sur sa vie et qu'on n’a que 20 ans. En trois ou quatre ans, on se construit une vie. Ils ont été logés chez l’habitant, ils ont aidé les familles hébergeantes dans leur vie quotidienne, ils ont passé Noël avec eux ; ils se sont fait des amis, constitué un réseau ; ils ont fait du bénévolat pour participer à la vie de la communauté, dans les secteurs social, environnemental, sportif et culturel ; ils ont suivi une formation ou fait des stages quand c’était possible. En trois ou quatre ans, pas un seul heurt, pas un seul souci, pas un seul pas de travers n'a été rapporté.
Mais, depuis plusieurs mois voire années, ils souhaitent travailler car l'attente et la dépendance leur sont invivables. Pour eux, c'est une question de santé mentale voire physique, et de dignité. En trois ou quatre ans, ils ont toujours gardé leur motivation, ils ont cherché et trouvé des employeurs. Les employeurs savent que ces jeunes sont compétents et sérieux. Alors ils font l'effort, malgré la lourdeur du dossier, d'adresser des demandes d'autorisation de travail, des promesses d’embauche à la DIRECCTE. Face à des réponses presque systématiquement négatives et longues à venir, les employeurs se découragent et ne comprennent pas. Demander à un employeur d'attendre 2 mois pour avoir un employé est inadapté à la viabilité d'une structure. Se voir refuser une autorisation de travail, alors qu'un employeur a accepté d'attendre le délai requis, c'est mettre une structure en difficulté. Et pourtant, ils ne trouvent pas à recruter sur le marché du travail.
Les associations d'aide aux migrants du territoire ne comprennent pas non plus, vu les besoins du marché du travail local et des décisions avancées par le Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration du 6 novembre 2019. Notamment, la 8ème décision pose le diagnostic suivant :
« Répondre aux besoins de main d’oeuvre des entreprises suppose également de poser la question de l’immigration professionnelle. En 2019, une entreprise sur deux indique qu’elle a des difficultés de recrutement. Dans certains bassins d’emploi, ces besoins sont tels que des entreprises renoncent à des marchés, faute de trouver des candidats correspondant aux postes vacants (…). Les procédures en la matière méritent d’être refondues et modernisées, car elles sont critiquées pour leur manque d’efficacité économique et leur complexité. En 2017, l’OCDE a ainsi jugé, dans une étude complète sur le sujet, que de nombreux obstacles administratifs subsistent. Les critères administratifs sont périmés : par exemple, l’appréciation, avant de délivrer une autorisation de travail, de la situation locale de l’emploi, repose sur une “liste des métiers en tension” pour laquelle l’OCDE estime que 15 % seulement des métiers inscrits sur la liste sont encore véritablement en tension (...). Cette liste repose sur une nomenclature difficilement compatible avec les évolutions actuelles des métiers. »
N’y a-t-il pas alors un grand paradoxe à ne pas autoriser ces jeunes à travailler, maintenant qu'ils sont formés, parfaitement intégrés, qu'ils maîtrisent bien notre langue et notre culture, qu'ils ont fait leurs preuves dans les entreprises où ils ont fait des stages, des entreprises qui les connaissent et veulent les embaucher ? Ces jeunes exilés connaissent les exigences du milieu professionnel français et souhaitent travailler là où souvent les employeurs de notre territoire désespèrent de trouver des candidats.
Si les employeurs les demandent, faut-il les condamner à rester inactifs et dépendants d'une allocation ou de la charité ? Faut-il les condamner à travailler illégalement ? Puis à vivre sans papiers ou à les renvoyer dans un pays d'origine alors qu’il faut inévitablement recruter pour faire vivre le tourisme, le bâtiment, la restauration et bien d’autres professions dans les Hautes Alpes ?
Madame la Préfète, nous vous demandons instamment de permettre à ces jeunes de participer pleinement à la vie économique de notre territoire dans les secteurs où les entreprises les sollicitent et de leur assurer ainsi la vie digne à laquelle ils ont droit.
Signataires : les organisations signataires Chemins Pluriels, Comité Gapençais du Mouvement de la Paix, Collectif Icare, Diocèse de Gap (+ Embrun), JRS Welcome Hautes-Alpes, La Cimade 05, MJC-Centre social du Briançonnais, Marcel sans Frontières, Midi Chaud, Paroisse de Briançon, Pastorale des Migrants - Diocèse de Gap, Refuges Solidaires, Réseau Hospitalité Hautes-Alpes, Secours Catholique, Secours Populaire, Mouvement citoyen Tous Migrants, Union Syndicale Solidaires 05, Unjourlapaix,
Lettre ouverte | à Pierre, premier maraudeur solidaire de Briançon innocenté | Tous Migrants
Le 28 novembre 2019, à Briançon
Cher Pierre,
Avant de t’écrire, aux yeux du monde, nous avons attendu les cinq jours de délai donnés par la loi au procureur pour se pourvoir en cassation. Nous avions trop peur que l’immense soulagement que nous voulions partager avec toi puisse être brisé en vol. On s’attendait à tout, vu l’absurdité et les injustices auxquelles nous assistons depuis des mois.
Il n’en a rien été, le procureur s’est tu.
Nous avons donc le loisir de laisser éclater notre joie.
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, donc, la cour d’appel de Grenoble t’a relaxé, Pierre, le 21 novembre dernier. Contrairement au jugement en première instance du Tribunal de Gap, elle a compris que tu étais innocent. Coupable de rien : ni du délit d’aide à l’entrée de personnes étrangères en situation irrégulière, ni du délit d’obstruction à l’action des forces de l’ordre.
- Ainsi, la cour d’appel a a enfin assuré un peu de cohérence entre les décisions de justice et celle du conseil constitutionnel de consacrer le principe de fraternité : ce que tu as fait n’était autre que le mettre en oeuvre avant l’heure.
- Face à l’évidence des images vidéos, elle a aussi officiellement reconnu les mensonges des forces de l’ordre; et pour nous, c’est une porte, timidement entrouverte, vers la reconnaissance d’autres mensonges, des forces de l’ordre, mais aussi parfois de l’Etat.
- Mine de rien, ce jugement assoit aussi la légitimité des maraudes, l’assistance à personnes en danger; non, il n’y a pas de délit de solidarité.
- Enfin, et c’est loin d’être anecdotique, mais loin d’être irréversible aussi, cet heureux dénouement redonne un peu confiance en l’impartialité de la justice, dont on ne pouvait que finir par douter avec l'intensification en toute impunité des intimidations policières, des poursuites judiciaires, les procès à charge, le déni des droits de la défense...
- ...même s'il subsiste, comme tu le disais après le verdict, ce constat amer qu'il ait fallu que tu apportes toi-même la preuve de ton innocence... mieux vaut ne plus penser à ce qui serait advenu s'il n'y avait eu par chance ce jour-là des journalistes qui t'accompagnaient, s'ils n'avaient pas refusé de céder leurs images à la police... dans un système judiciaire censé reposer sur la présomption d'innocence, cela pose question... espérons, gageons que cela amène surtout nos magistrats et dirigeants à réfléchir !
Cher Pierre,
C’est important la mémoire, dans nos temps troublés, qu’elle soit liée à l’Histoire ou aux petites histoires....
En 2015, tu assistais aux premières réunions citoyennes de ce qui allait devenir Tous Migrants; tu y avais proposé de réfléchir à un signe de ralliement, pour que chaque personne qui souhaitait montrer son soutien aux migrants ait un outil simple pour le faire. Et tu nous as inspiré un autocollant, plus parlant et plus pratique qu’un long discours; on le retrouve sur les voitures, les ordinateurs, les frigos…
En 2019, tu as été blanchi d’accusations fausses et viles, toi qui te contentes de vivre pleinement ton humanité... Et tu continues ainsi à nous inspirer.
Tu n’es pas pro-migrant Pierre, tu es un simple défenseur des droits humains; comment réussir à faire comprendre aux médias que leur vocable lapidaire et clivant est non seulement faux, mais aussi populiste, à leur corps défendant souvent …
Cher Pierre,
Merci. Nous sommes si heureux, et quelque part honorés que tu sois entré au conseil d’administration de Tous Migrants récemment. Tes gestes de solidarité innocentés, l’histoire même de ce procès font tant écho à notre combat.
Tu dis que "c'est d'abord par la solidarité et le soutien des associations comme Tous Migrants que je me sors de cette situation"; tu dis aussi que "ce qui maintient la tête hors de l'eau, c'est cette solidarité pour les personnes quelles qu'elles soient, exilées ou solidaires".
En retour, nous voudrions te dire encore ceci. Chaque jour, parmi nos actions de sensibilisation et de plaidoyer, nous nous efforçons de mettre au jour les violations des droits et les mensonges institutionnels, à travers le recueil de témoignages, ou les actions en justice; un travail de longue haleine, à la fois minutieux et ingrat, qui exige constance et persévérance. Depuis quelques temps, grâce au partenariat avec Médecins du Monde, nous avons aussi monté une « unité mobile de mise à l’abri », UMMA, comme humanité. Sache tous ces efforts trouvent, dans la grande victoire dont tu es le symbole, un encouragement sans pareil, l'énergie de continuer sans relâche.
Depuis le début, nous avons opté pour une approche la plus collective possible, contre les tentations des médias ou des institutions d’avoir quelques figures emblématiques. Nous tenons à être « tous migrants », à la force du nombre, anonymes, car la cristallisation ou la personnalisation rendrait plus simple la tâche de sape des pourfendeurs des droits. Mais une fois n’est pas coutume. Aujourd’hui Pierre, nous avons envie d’être « tous Pierre »… Pierre qui roule ? En ces temps hivernaux, qui sait quelles autres injustices quotidiennes ta boule de neige peut réussir encore à balayer sur sa route…
Désolée d'avoir été un peu longue, ça nous semblait important de te dire tout ça, publiquement.
Signataires : l'équipe de coordination Tous Migrants, au nom de tous les adhérents et sympathisants.
Lettre ouverte | Mesdames et Messieurs les Députés, ne vous trompez pas de débat !
Le 28 novembre 2019, à Briançon
Les associations pilotant la CAFI ont adressé une lettre ouverte aux député.e.s dans le cadre du débat sur l’immigration prévu le 7 octobre prochain (initialement prévu le 30 septembre) à l’Assemblée nationale, les appelant à se pencher sur la question du respect des droits fondamentaux aux frontières intérieures. Cette lettre a été publiée sous forme de tribune dans le JDD de dimanche dernier, version papier et web (disponible en cliquant ici).
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Le 30 septembre prochain, à l’initiative du gouvernement, vous allez débattre de la « politique migratoire de la France et de l’Europe ». Nous sommes inquiets de l’orientation que pourrait prendre ce débat. Trop de responsables politiques, en France comme ailleurs en Europe, ont malheureusement pris l’habitude d’instrumentaliser ce sujet notamment à des fins électoralistes, alimentant en cela les sentiments de peur et les divisions au sein des sociétés. Certains continuent d’insister sur le fait que l’Europe est confrontée à « une crise », que les migrants et les réfugiés représenteraient une menace pour son « mode de vie ». En France, des responsables politiques ressassent depuis des années les mêmes refrains anxiogènes d’un « dévoiement du droit d’asile », des « abus du recours aux soins et à l’Aide médicale d’État », ou encore du « détournement du droit au regroupement familial ». De nouvelles intentions politiques apparaissent tout aussi néfastes comme celle de vouloir restreindre l’accès aux soins pour les demandeurs d’asile.
Ce qui devrait être un sujet d’inquiétude, ce sont d’abord les faiblesses de l’Union européenne, voire ses renoncements à apporter une protection aux personnes vulnérables et/ou en danger et son incapacité à aborder les questions migratoires de façon solidaire, apaisée et respectueuse des valeurs universelles qu’elle proclame par ailleurs.
Le débat du 30 septembre 2019 ne doit pas être une fois de plus le théâtre d’un affrontement construit sur des simplifications mensongères et outrancières. Nous en appelons à votre responsabilité afin d’élever ce débat à celui qu’il devrait être en traitant quelques questions clés : comment la France et l’Europe remplissent-elles leurs obligations concernant l’accueil et la protection des personnes migrantes et réfugiées ? Comment garantir le respect des droits fondamentaux et la dignité de chaque personne ? Comment, pour y parvenir, faire évoluer les dispositifs politiques et sociaux et assurer que cet accueil se passe sans attiser les sentiments de rejet ou de division ?
Un vrai sujet de préoccupation : les violations des droits aux frontières intérieures françaises
Nos cinq associations travaillent ensemble depuis plusieurs années sur la question spécifique des droits des personnes migrantes et refugiées aux frontières intérieures françaises. Ces zones frontalières sont en effet le théâtre de violations quotidiennes de leurs droits. Les résultats de nos recherches et observations convergent tous vers un diagnostic assez sombre : une insuffisance, voire parfois une absence, de dispositifs sanitaires et sociaux nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes exilées. Nous avons documenté de très sérieux manquements des pouvoirs publics quant à la protection des mineurs isolés et des entraves systématiques à la demande d’asile. Nous avons également recueilli des preuves de pratiques illégales de refoulement aux frontières et de comportements brutaux et violents de la part de certains services de police. Enfin, nous avons pu constater des tentatives d’intimidation par les forces de l’ordre à l’encontre de personnes offrant une aide humanitaire.
La liste des lieux où sont constatées ces atteintes aux droits et libertés fondamentales est longue : entre Vintimille et Menton, dans la vallée de la Roya, dans le Briançonnais, sur le littoral nord, de Grande Synthe à Ouistreham en passant par Calais et désormais à la frontière avec l’Espagne. Au-delà des débats relatifs aux politiques d’immigration et d’asile et des différents points de vue qui s’expriment, la protection des droits et libertés fondamentales de toute personne, quels que soient sa nationalité et son statut, constitue un impératif commun, sur lequel nous ne pouvons transiger, dont la représentation nationale est l’un des garants essentiels.
Nous vous appelons donc à entamer avec le gouvernement un examen approfondi de la situation aux frontières intérieures françaises, afin que soient élaborés et mis en œuvre les dispositifs et les mesures nécessaires pour que les droits fondamentaux des personnes migrantes et réfugiées y soient effectivement respectés. La création d’une commission d’enquête parlementaire visant cet objectif serait le cadre adapté à cette démarche, et nous vous invitons à soutenir le principe d’une telle initiative.
En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à notre requête, issue de nos constats de terrain, et espérant que le débat parlementaire saura s’élever au-dessus des affrontements partisans, nous vous adressons, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de notre haute considération.
Signataires : Amnesty International France ; La Cimade ; Médecins du Monde ; Médecins sans frontières ; Secours Catholique-Caritas France
Lettre ouverte | Lettre ouverte à Monsieur le Préfet
Le 28 avril 2017
|
Témoignages de citoyens et de demandeurs d'asile accueillis à Briançon pour alerter sur les conséquences des accords de Dublin. Nous avons donné la parole aux migrants arrivés à Briançon qui souhaitent déposer leur demande d'asile en France. Nous avons donné la parole à ceux qui les accueillent, à ceux qui les hébergent, à ceux qui les accompagnent. |